COVIDOVaccin, c’est parti !

Le scénario était déjà écrit depuis longtemps, il ne manquait plus que le titre du film et le nom de l’acteur principal.
C’est fait : il s’agit de Comirnaty®, le vaccin contre la Covid choisi par l’Europe et fabriqué par les laboratoires Pfizer-BioNtech.
Les informations officielles de ce nouveau vaccin sont accessibles de manière succincte sur la base des données publiques des médicaments  qui renvoie de manière plus détaillée au résumé des caractéristiques du produit de l’Agence Européenne du Médicament qui a autorisé la mise sur le marché européen de ce produit, ouf !

La Haute Autorité de Santé (HAS) française a ensuite  été saisie par le ministère des Solidarités et de la Santé pour aider médecins et patients à comprendre et accepter cette vaccination. Voici cet avis (cliquez sur le logo de la HAS pour le lire) :

Cet avis a été co-écrit par la HAS, le Collège de la Médecine Générale (CMG), le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) et une association de patients et usagers de soins TousPartenairesCovid.

Une part notable des experts, des scientifiques, des conseillers et des partenaires institutionnels de cet avis a des liens d’intérêts, au  minimum financiers, avec des laboratoires pharmaceutiques, en particulier avec Pfizer. Cela veut dire que ces experts risquent de ne pas donner un avis objectif sur le produit d’un fabriquant qui les rémunère par ailleurs.

LA SPILF, par exemple, a perçu depuis 2012 la somme de 1.591.964 € de la part de nombreux laboratoires pharmaceutiques dont 516.172 € de Pfizer, le fabriquant du vaccin; le CNGE a perçu 776.131 €  dont 676.867 € du même labo; un des experts médecin généraliste 19.300  €  dont 10414 € toujours de Pfizer; etc, etc; et je passe sur les experts du comité scientifique de l’association de patients (source www.eurosfordocs.fr).
Quand on fait aussi peu de cas de ces liens d’intérêts grotesques, on peut comprendre la perte de confiance des gens dans un nouveau soin, un nouveau médicament ou un nouveau vaccin.

En faisant abstraction de ces conflits potentiels, on peut quand même dire que l’avis de la HAS met en lumière la qualité de l’étude qui a conduit le laboratoire à montrer l’efficacité de son vaccin Comirnaty®. L’essentiel à retenir est résumé dans un tableau de 8 réponses rapides qui répondent clairement à des questions non posées et suggérées :

 

Ce résumé, comme tous  les raccourcis, amène à quelques commentaires :

les réponses 1 et 2  sont rassurantes : les soignants expliquent et proposent, et les patients comprennent et disposent. Le caractère obligatoire de cette vaccination n’est donc pas à l’ordre du jour.

les réponses 4, 5 et 8 renvoient à la prudence de tous, à l’affut des moindres effets indésirables (EI) que chacun, médecin ou patient, pourra déclarer sur le site gouvernemental dédié aux déclaration d’EI et a priori prochainement sur un nouveau téléservice VACCIN COVID. La fréquence inhabituelle du nombre de chocs allergiques, bien que très faibles, propose d’exclure d’emblée de cette vaccination tous les gens qui ont des antécédents d’allergie, quelle qu’elle soit, vaccinale ou non.

la réponse 6 déconseille, comme pour beaucoup d’autres vaccins, de vacciner quelqu’un qui présente ou a présenté des symptomes de la maladie Covid dans les 3 mois précédents.

les réponses 3 et 7 sont enfin plus difficiles à comprendre et valent le coup de s’y attarder un peu.
Le vaccin Comirnaty a ainsi prouvé qu’il réduit le nombre de cas symptomatiques de Covid, mais il n’a pas prouvé qu’il réduit le nombre de cas de Covid non symptomatiques; il  n’a pas encore prouvé non plus qu’il empêchera la transmission, c’est-à-dire la contagiosité, de ceux qui sont vaccinés; on ne sait pas non plus la durée de son efficacité et on ne sait pas encore s’il faudra donc des doses de rappels plus tard.

Le chiffre le plus spectaculaire présenté dans cette étude, à savoir les 95% de diminution du risque relatif de survenue du Covid-19, n’est pas expliqué et peut être aisément confondu avec l’efficacité vaccinale.

En effet,  l’étude de Pfizer montre que la maladie Covid-19 apparait chez  0,884% des patients du groupe non vacciné (soit 162 personnes sur 18325) et chez 0,044% seulement des patients du groupe vacciné (soit 8 sur 18198) : il y a donc 154 malades de plus (162 – 8) dans le groupe des non vaccinés que  dans le groupe des vaccinés, c’est-à-dire 95% de malades en plus chez les non vaccinés (154/162 x 100) ! 
Tout parait spectaculaire en effet, si ce n’est qu’on est loin de la réalité.

En réalité, il faudrait réfléchir en valeur absolu, c’est-à-dire sur le total de la population, vaccinée et non vaccinée, ce que font très rarement les laboratoires pharmaceutiques qui promeuvent un produit parce que c’est souvent moins spectaculaire, et ce que font tout aussi rarement nos experts ou nos journalistes en interprétant les données fournies.

Dans le cadre de ce vaccin, la bonne question à se poser est : combien faut-il vacciner de personnes pour être sûr d’éviter au moins un Covid ? Ce calcul s’appelle en épidémiologie le Nombre de Sujets à Traiter (ou vacciner) (NST) ou NNT en anglais (Number Needed to Treat). Il existe des tas de calculateurs en ligne qui peuvent faciliter ce calcul quand on est nul en statistique (comme l’EBM Stats Calculator).

Dans le cas présent, le vaccin Comirnaty® a un NST de 119 : il faut donc vacciner 119 personnes pour éviter que l’une d’entre elles soit malade. C’est sans doute bien mais ce n’est malheureusement pas impressionnant : 1 sur 119, c’est seulement 0,84%.

Un EHPAD comme celui de Roquefort par exemple a une capacité d’accueil de 80 pensionnaires environ : si on les vaccine tous, ce ne sera donc pas 95% d’entre eux qui seront protégés mais 1 sur 119, soit 0,84, soit moins d’un pensionnaire…

Comparativement, le vaccin contre la grippe saisonnière a un NNT de 71 et même de 29 pour les personnes agées (comme celles d’un EHPAD) : en vaccinant un EHPAD comme celui de Roquefort, on évite donc potentiellement une grippe à presque 3 personnes.

L’avis  de la HAS reprend enfin assez précisément  les effets  indésirables (EI) principaux de l’étude du laboratoire Pfizer :

Exprimés en pourcentage par la HAS, on peut aussi les présenter en NNN (Nombre Nécessaire pour Nuire) ou NNH en anglais (Number Needed to Harm).  Sans évoquer les rares EI graves dont on ne connaitra sans doute la fréquence qu’au fur et à mesure de la vaccination, on peut dire des EI classiques (fièvre, frisson, courbatures, maux de têtes) qu’il sont très fréquents, plus chez les jeunes que les plus âgés, et dès la première dose.

Ce que l’on sait par exemple du vaccin contre la grippe saisonnière, c’est que son NNH pour la fièvre est de  1 sur 125.

Dans le cas du Comirnaty®, il est de 1 fois sur 10 pour les plus de 50 ans et un peu moins d’1 fois sur 7 pour les plus jeunes.
Le NNH des autres effets indésirables retenus de ce vaccin, bien que peu graves, est aussi remarquable, ne serait-ce que pour les plus de  55 ans : 1 sur 3 pour la fatigue, 1 sur 4 pour les céphalées et les douleurs musculaires, 1 sur 5 pour les frissons et 1 sur 8 pour les douleurs articulaires.
Tous ses effets indésirables a priori peu graves sont à prendre néanmoins au sérieux dés lors qu’ils apparaitront chez des  personnes fragiles, âgées et/ou à risque.

Au total, on peut dire que le tozinaméram, nom réel en dénomination commune internationale du Comirnaty® a une efficacité toute relative et probablement beaucoup d’effets indésirables peu graves, ce que confirme la revue indépendante Prescrire dans son dernier éditorial : prudence d’abord devant les incertitudes de ce nouveau produit de santé et transparence dans les informations en direction de tous ceux qui souhaitent ou non se faire vacciner.

Thierry GOURGUES
Le 29 décembre 2020